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Les effets sur l’insertion professionnelle des jeunes
Les effets du dispositif de formation sur l’insertion professionnelle des jeunes concernent des apprentissages sur le plan technique, l’accès à des financements, un développement plus ou moins significatif des activités maraichères et du chiffre d’affaires des jeunes hommes en particulier, alors que pour les jeunes femmes les effets de leur participation à la formation et leur accès à un crédit sont plus nuancés.
Parmi les acquis des formations, les jeunes évoquent de manière détaillée des apprentissages sur le plan technique, qui concernent tout aussi bien le choix de plants de qualité, les techniques de plantation, la manière de protéger efficacement les cultures d’oignons et de tomates des parasites, ou encore la manière de confectionner et entretenir un compost. Les jeunes témoignent mettre en place ces techniques sur leur parcelle, qu’il s’agisse de leur propre parcelle ou de celle exploitées en commun avec leurs parents :
La formation en maraichage a beaucoup intéressé Ramatou et Fanta, notamment car elle leur a permis de découvrir une pratique du maraichage que leurs parents, eux-mêmes « jardiniers », ne pratiquaient pas. Par rapport à la pratique traditionnelle du maraichage, elles retiennent de la formation : la préparation du terrain (mesure, planches, etc.), la pratique du compost (versus engrais chimiques), l’utilisation de bio pesticides à base de tabac, de piment et de savon (versus pesticides chimiques).
Ramatou, 35 ans et Fanta, 32 ans, commune urbaine d’Agadez
« J’ai appris à faire du compost et à utiliser des bio-pesticides pour la culture de l’oignon, mes techniques de repiquage ont aussi évolué, j’espace davantage les plants. Avant sur une planche, je pouvais mettre jusqu’à 15 plants. Désormais je n’en mets que 8 et cela donne des meilleurs rendements »
Aboubacar, 28 ans, commune urbaine d’Agadez
« J’ai appris à entretenir une parcelle, à fabriquer et entretenir un compost, à poser des moustiquaires pour protéger les plants, à bien choisir les semis et les engrais en fonction du type de plants (…) Pour la culture de l’oignon, j’adopte désormais les pratiques de semis en ligne. Pour la tomate, j’ai aussi appris à bien espacer les plants et à faire grimper le pied. Auparavant, je ne connaissais pas non plus les techniques de protection des insectes, notamment le mélange à base de piment, d’eau et de savon. »
Nana, 32 ans, commune urbaine d’Agadez
L’accès des jeunes à des financements dans le cadre du projet est fonction d’une part, du souhait des jeunes de solliciter ou non un crédit et, d’autre part, de la capacité des IMF/banques de répondre positivement à cette demande, lorsque les jeunes disposent de l’ensemble des pièces requises pour la constitution de leur dossier.
Pour certains jeunes, des réticences persistent en effet autour des supposés risques liés à une demande de crédit, souvent par peur de ne pas être en capacité de rembourser la somme empruntée dans les délais impartis :
« On m’avait informé au début de la formation qu’il s’agissait d’un financement avec une partie de crédit, mais j’espérais que je pourrai bénéficier uniquement de la partie subvention. Je ne veux pas faire de demande de crédit car je ne sais pas ce qui peut arriver et si je n’arrive pas à rembourser je ne veux pas m’endetter ».
Aissa, 27 ans, commune urbaine d’Agadez
Un certain nombre de jeunes interrogés avaient effectivement déposé un dossier de demande de crédit, dont ils étaient sans nouvelles depuis plusieurs mois. D’autres jeunes avaient eu accès à un premier financement, qu’ils avaient remboursé dans les délais, mais étaient sans nouvelle d’un deuxième financement sollicité. Ces situations mettent généralement les jeunes en difficulté, puisqu’ils se sont engagés auprès de fournisseurs qui leur ont livré le matériel commandé, mais auxquels les jeunes sont dans l’incapacité de régler leurs factures.
Pour les jeunes qui accèdent effectivement à un crédit, les effets du matériel acquis ainsi que des financements (fonds de roulement, crédit, subvention) sur le développement de leurs activités agricoles sont différenciés en fonction de la situation de départ des jeunes et notamment de leur capacité à acquérir de nouvelles parcelles.
Pour les jeunes hommes qui ont pu bénéficier d’un financement au moment de la saison adéquate, cet apport financier peut s’avérer un moyen de booster l’exploitation et leur chiffre d’affaires. Dans ce cas, l’activité maraichère devient centrale et suffisante pour subvenir aux besoins des jeunes hommes et de leurs familles.
Plusieurs jeunes dans cette situation ont évoqué ainsi ne plus envisager de migrer en Algérie ou en Lybie, puisqu’ils gagnent désormais suffisamment bien leur vie à travers le maraichage.
Abdoulaye, 33 ans et issu de village de Toudoun Billa dans la communauté urbaine d’Agadez a ainsi vu ses revenus considérablement augmenter, a pu acquérir une nouvelle parcelle et développer ses cultures et n’envisage plus de repartir en Algérie comme il a été amené à le faire par le passé :
Après sa formation, Abdoulaye a été accompagné par un conseiller de la CRA pour formuler ses besoins en financements. Le budget global de son projet s’élevait à 700 000 FCFA , dont la moitié sous forme de crédit. Pour l’apport personnel, d’un montant de 35 000 FCFA , Abdoulaye a emprunté cette somme auprès du chef de village, et l’a depuis remboursée, sans intérêts. Il a obtenu les fonds en 2020 et a pu investir dans une nouvelle parcelle de jardin d’une superficie de 2,5 ha, qu’il a achetée aux descendants d’une personne décédée. Grâce à cet appui financier, il a également pu acheter une motopompe, une quarantaine de tuyaux, un pulvérisateur, une charrette et un âne pour lui permettre de transporter du fumier (…). Par ailleurs, le fonds de roulement lui a permis de financer l’achat de bouteilles de gaz. Abdoulaye a remboursé son crédit en 4 mois : « la campagne démarrait quand j’ai acquis les fonds, donc cela m’a permis de rembourser rapidement le crédit ».
Grâce à la formation et aux financements dont il a bénéficié, en une campagne d’hivernage, Abdoulaye a pu écouler environ 250 sacs d’oignons de 46 à 50 kg, qu’il a vendus 15 000 FCFA le sac à un seul et unique collecteur. Cela a donc représenté un chiffre d’affaires d’environ 3,8 millions de FCFA . « Auparavant mon chiffre d’affaires ne dépassait pas 200 000 FCFA en une campagne ». Ces bons résultats, bien que le montant du bénéfice net ne soit pas connu, semblent se confirmer dans le temps : « en 2022 ma production a augmenté, j’ai produit environ 300 sacs, mais le prix de vente au collecteur a baissé pour s’établir à 13 000 FCFA, ce qui représente donc une légère augmentation de mon chiffre d’affaires au final ».
Abdoulaye mobilise de la main d’œuvre sur sa parcelle : des membres de sa famille, mais également d’autres personnes, notamment des femmes. Lors de la dernière campagne, au moment du repiquage, il a embauché environ 40 femmes sur plusieurs demi-journées jours.
Aujourd’hui, Abdoulaye estime bien gagner sa vie à travers le maraichage : « Mes revenus sont bons depuis 2 ans et je n’envisage pas de repartir en Algérie (…) je suis tout de même inquiet de savoir si j’aurais assez d’eau l’an prochain pour mes cultures. Ici c’est un vrai problème, soit il y a trop d’eau soit il n’y en a pas assez ».
Pour les jeunes femmes, les effets de l’obtention d’un crédit sont plus difficiles à percevoir et, a minima, plus nuancés. En effet, comme cela a été indiqué plus haut, elles ne disposent le plus souvent pas de foncier à leur nom. Lorsqu’elles pratiquent le maraichage, c’est le plus souvent sur la parcelle de leur père ou de leur mari et celles qui ont sollicité un crédit l’ont ainsi fait, le plus souvent avec un acte foncier qui appartenait à ce proche parent. Par ailleurs, le maraichage représente le plus souvent une activité annexe, qu’elles continuent de pratiquer en plus d’autres activités. C’est notamment le cas de Ramatou, 35 ans et Fanta, 32 ans qui résident toutes deux dans le village d’Aladab, dans la communauté urbaine d’Agadez.
Leur temps est partagé entre (i) le temps passé à la maison pour les travaux domestiques, le maraichage dans leur « jardin personnel », le petit commerce pratiqué à la maison et (ii) le temps dédié à la coopérative féminine (qui correspondrait à 3 ou 4 jours / semaine, mais sans doute pas à temps plein). Ce temps dédié à la coopérative peut varier selon les campagnes, notamment en raison du problème d’accès à l’eau : en dépit du forage disponible sur la parcelle de la coopérative, en saison sèche froide les femmes ne cultivent pas.
Lorsqu’elles accèdent à un crédit et du matériel à l’issue de la formation, il semble que celui-ci soit transmis et géré principalement par le mari, le frère ou le père détenteur de la parcelle sur laquelle elles cultivent. Pour ces femmes, le crédit ne semble ainsi pas jouer l’effet levier attendu dans le cadre du projet.